***

Tom est assis sur un banc devant sa fac. Nous sommes lundi matin. Le soleil est présent mais sa chaleur n’atteint pas vraiment les couches inférieures de l’atmosphère… d’ailleurs tendue par cette période d’examens.
Quelques étudiants entrent fébrilement, d’autres sont déstressés, refrain habituel dans tous les établissements existants. Tom lui, est un de ceux qui ne prête pas beaucoup d’attention aux examens qui ne sont qu’un bilan de l’année. Il a toujours été moyen partout. Moyen mais suffisant ! « Peut mieux faire », « A des capacités », « Doit passer la vitesse supérieure » étaient les leitmotivs de ses relevés scolaires. Mais il se dit qu’après tout, toute son énergie peut aisément se reporter sur d’autres « travaux » plus importants comme celui de se bâtir une personnalité, une identité… une vie.
Tom reste donc assis là. Il profite de ces minutes de répit entre l’arrivée à la fac et l’entrée dans la salle. Il scrute aussi le paysage. Sa tête parcourt toute la droite et il se met à sursauter à la vue d’une personne assise sur le même banc. C’est Jessica.

JESSICA-J’ai plus la même tête qu’avant ?
TOM-Oh si, même mieux.
JESSICA-Toujours vivant ?
TOM-Je suis indésirable en Enfer et le Paradis fait appel de mon Jugement.
JESSICA-Tu commences fort.
TOM-Je t’arrête tout de suite. Si tu comptes être sarcastique avec moi, tu l’as dans l’os.
JESSICA-Tu as pris de bonnes résolutions ?
TOM(hésitant)-Non mais… peut-être que je vais devenir quelqu’un d’autre.
JESSICA-Intéressant.
TOM-Pour toi ou pour moi ?
JESSICA-Pour ceux qui vont te supporter.
TOM(forcant un sourire)-Non. Pour celles qui vont m’aduler, me désirer. D’ailleurs, je dois mettre à jour ta fiche.
JESSICA-Thomas… Soupir, soupir !
TOM-Non… (il se lève) Thomas Whitman. Retiens bien ce nom car je risque fort d’être un de vos meilleurs souvenirs !
JESSICA-Assieds-toi, on a pas fini.
TOM(obéissant)-Je t’écoute. C’est rare qu’on veuille me dire quelque chose. Je t’arrête encore une fois, ce n’est pas un reproche mais une vérité. Ce n’est pas parce qu’on est en fac, que tout le monde est l’ami de substitution de tout le monde ok ? Bref je t’écoute.
JESSICA-Euh… tu veux en venir où ?
TOM-Oublie… enfin non… enfin… passons.
JESSICA-Non mais… j’ai rien de spécial à te dire. T’as fait quoi de tes vacances prolongées, feignant ?
TOM-Tu veux que je te raconte… tout ?
JESSICA-Le plus intéressant.
TOM-Pour toi ou pour moi ?

Elle sourit. Tom lui rend la pareille. Ces deux-là ne sont ni des amants maudits, ni des bons amis, mais deux personnes qui ont tout de suite trouvé ce qui permet de survivre quand on est étudiant : le temps partagé.

TOM-Comment te dire… j’étais revenu chez moi et… tout a vraiment commencé quand…

*
4S02
Le Monde Perdu
*
Revis ton avenir.
*

L’herbe était verte dans ce jardin. Quelqu’un venait d’atterrir sur le tapis vert. Tom se releva, il s’essuya un peu les genoux. Il leva la tête et regarda derrière lui la fenêtre de sa chambre. Il était soulagé d’avoir risqué cette petite chute. Il traversa le gazon et sortit sur le trottoir. Il regardait la route devant lui.
Il respirait à plein nez cette odeur de liberté qu’il tenta de s’offrir. Elle n’était pas réelle mais être là, libre de ces choix, seul, avec devant lui le « monde », c’était un privilège.

TOM-Bon… maintenant je fais quoi ?

Il se frottait un peu les bras.

TOM-Il fait frisquet, je rentre.

Il se retourna et fit un pas. Il s’arrêta aussitôt. Il était pensif.
A peine s’était-il retourné qu’un bus scolaire passa non loin. Tom le regarda passer. Un sourire apparut.
Le temps d’une réflexion courte, il reprit son chemin inverse.

TOM(voix off)-J’avais tout mon temps, je savais pertinemment que j’avais personne à voir, que vous étiez chacun chez vous, voir encore ici à St Amson. Tu sais, Barnett n’est pas une ville morte. C’est une ville paisible. C’est là qu’elle prend tout son sens. Enfin pour moi c’est l’idéal. Assez parlé de moi, revenons à… moi. Je me suis donc retrouvé devant mon lycée…

Il était toujours là, même odeur, même couleur, même sentiment étrange. Celui d’être un des fondateurs de ce bâtiment alors qu’en fait, il y avait eu un avant et un après, mais pas aussi important que ça, justement...
Tom s’avança et poussa la porte qu’il cognait quotidiennement de sa main. Tout de suite, il se revit avec son sac le premier jour de lycée. Souvenir aussitôt effacé par la vision d’un petit groupe de jeunes qui lui rappelaient que le temps passait aussi vite que la mode.
Il se dirigea vers le panneau d’affichage. Rien de troublant mais il le fit pour se rappeler qu’il n’y avait jamais rien eu d’intéressant sur ce panneau. Il confirma d’un petit sourire.
Il continua son avancé dans le couloir interminable qui menait au hall suivant. Le bureau de la permanence allait se présenter dans quelques mètres. Ce bureau avait toujours été un mystère : comment pouvait-on passer huit heures à bavarder au téléphone ou jouer au démineur ?
Non loin de la porte, deux grands panneaux se tenaient là indiquant les résultats du bac blanc. Tom n’hésitait pas à parcourir les noms des élèves. Pourquoi ne pas trouver une ancienne connaissance qui avait eu le malheur de perdre son billet pour la liberté ?
« Vous devriez chercher à la fin de l’alphabet non ? »
Tom se retourna. Un sourire vint de suite habiller sa bouche. Le professeur Fletcher apparut à ses côtés. Il avait toujours la même tête, il n’avait pas vieilli d’un poil… de toute manière, moins d’un an à peine s’était écoulé.

TOM-Oh non moi, c’est passé, je cherche des noms connus.
FLETCHER-Que faites-vous là ?
TOM-Je suis revenu un peu me ressourcer.
FLETCHER-Les élèves qui font ça doivent se compter sur les doigts d’une main. D’ailleurs, vous n’êtes plus lycéen, vous n’avez pas le droit d’entrer ici.
TOM-Les élèves qui font ça se comptent sur les doigts de plusieurs mains.
FLETCHER-Vous devenez quoi ?
TOM-Etudiant… gestion…
FLETCHER(étonné)-Gestion ? Oui pourquoi pas, vous… gérez justement ?
TOM-Côté boulot, comme toujours, assez moyen, côté vie étudiante, comme toujours… euh… assez moyen…
FLETCHER-Vous êtes à St Amson j’imagine ?
TOM-Oui. J’adore cette ville.
FLETCHER-Vous me semblez fatigué. Les examens vous préoccuperaient-ils ?
TOM-Oh euh… non pas les exams… c’est… les aléas de la vie.
FLETCHER-Une fois, dans un devoir d’histoire, vous avez fait une jolie remarque… la vie n’est pas faite pour la vivre. Ça m’a marqué je dois l’avouer. C’est avec ce devoir que j’ai su que vous cachiez quelqu’un d’autre, Thomas Whitman.
TOM-Vous savez les élèves sont tous des êtres différents.
FLETCHER-Oui mais vous, derrière votre ironie et votre ton sarcastique habituels - comme maintenant, ne vous inquiétez pas, ça ne me touche pas, ne vous vexez pas, on s’habitue quand on a cerné le personnage - oui donc, derrière tout ça, le personnage de Thomas Whitman s’efface au profit de Thomas. Et encore une fois, cerner le personnage ne se veut pas péjoratif.

Tom était dubitatif. Il était en pleine réflexion. Même un homme qu’il côtoyait quelques heures par semaine le connaissait mieux que personne.

TOM-Et qui est Thomas ?
FLETCHER-Si vous ne le savez pas…
TOM-Oui… en fait je joue mal mon rôle alors ?
FLETCHER-Tout dépend de quel rôle vous parlez… enfin assez philosophé. Vous vous sentez confiant ?
TOM-Oh… oui enfin on verra avec le temps, en fait pour l’instant, je tâte le terrain. J’aime bien l’ambiance de ce monde étudiant mais sinon personnellement je vois pas trop.
FLETCHER-Vous profitez de la vie ?
TOM-C’est peut-être un grand mot. Non je profite psychologiquement.
FLETCHER-Comme peu de gens en fait… vous êtes jeune, vous ne tombez pas dans le cliché. C’est normal pour vous.
TOM-Oui… mais c’est quand même urgent de se décider.
FLETCHER-Imaginez-vous dans quelques années… trois, quatre ans.
TOM-2007 ? Vous pensez qu’on parlera encore de moi ?
FLETCHER-Il n’y a que vous qui pensez à vous. Sachez-le.
TOM-Vos phrases me font peur.
FLETCHER-Alors je vais y aller, vos semblables m’attendent.
TOM-Bon courage alors.
FLETCHER-Bon courage à vous, Thomas !

Ils se quittèrent là. Tom reprenait en écho les dernières phrases du professeur. Il faut penser à soi, beaucoup de gens se ressemblent et il faut s’accrocher. Rien d’optimiste en fait. Tom en conclut que ses soucis ne sont pas exclusifs et que l’individualisme était une notion nullement en perdition.

CENTRE VILLE
MAGASIN GOOD’IZ
Laura entre dans la boutique. Elle parcourt déjà le rayon CD. Son doigt glisse sur quelques tranches dont les noms inscrits dessus n’attirent pas son attention. A ce moment, un vendeur intervient. Ce n’est autre que Dan, l’ex-mini conscience de Tom.
DAN-Bonjour, je peux vous renseigner ?
LAURA-Bonjour, oui en fait… je cherche… un cadeau pour mon copain.
DAN-Oui…
LAURA-Côté musique je pense qu’il a ce qu’il faut. J’ai vu des guitares pas mal… mais côté prix…
DAN-En fait, vous voulez autre chose que du commun ?
LAURA-Du commun ?
DAN-Cd, guitare, tout ça c’est ce qu’on vend le plus. Par contre, l’idée de billets de concert est pas mal.
LAURA-Ah ouais…

Le téléphone du magasin sonne.

DAN-Excusez-moi.

Il décroche.

DAN-GoodIz bonjour…. Oui Thomas… non Thomas… (Laura tourne la tête) et toi ? Tu deviens quoi ? Ah ouais quand même ? Tu rigoles ? Non pas aujourd’hui… oui… j’ai une cliente. Oui assez oui (le regard vers Laura en dit long). Tu changes pas de ce côté-là (le regard de Laura se fronce)… ouais c’est ça… au plaisir ! Salut !

Dan revient vers Laura.

DAN-Désolé, un… client.
LAURA-Vous êtes familier avec vos clients.
DAN-Pas tout le temps mais lui c’est… bref passons. On disait concert ?
LAURA-Oui, mais côté programmation…
DAN-On va voir ça tout de suite.

HALL D’ENTREE
Cathy est en chemise bleue, elle s’est faite présentable pour les quelques entretiens prévus aujourd’hui. D’ailleurs, Marion qui la rejoint a fait de même. Elle revient d’un rendez-vous.

CATHY-Alors ?
MARION-Alors… ça peut le faire mais les horaires…
CATHY-Soit les cours soit le boulot ?
MARION-Oui… et toi alors ?
CATHY-Positif. Je l’ai eu qu’au téléphone mais je corresponds au profil. Ce fut rapide… ça m’a surpris.
MARION-Les étudiants en droit sont tous friqués… ils n’ont pas besoin de boulot.
CATHY-Certains étudiants…
MARION-Oui…

Cathy voyant la mine déconfite de Marion, pose un bras autour de son cou et l’accompagne vers la sortie.

CATHY-Tu as dit toi-même qu’on allait y arriver.
MARION-Je repense à cette lettre.
CATHY-Je me doute…
MARION-J’ai envie de tout envoyé valser…
CATHY-Résumons la situation. Ta mère ne t’envoie plus d’argent, et elle ne souhaite plus être que tu sois à sa charge. Tu dois trouver un travail pour pouvoir payer ton loyer. Exact ?
MARION-Oui mais je le savais tout ça.
CATHY-Simplement, cela montre que l’on a trop attendu… étudiant ça ne s’improvise pas. On disait que lycée était l’école de la vie… alors qu’étudiant c’est ça la vie ! L’indépendance ! Si on écoutait nos parents, on serait toujours à la maison en train de faire vendeuse de chaussures.
MARION-Tu te trompes, la plupart foutrait dehors le m oindre feignant.
CATHY-Tu marques un point. En gros je veux dire que si on s’écoutait, on devrait pouvoir être nourris, logés, blanchis par les parents, ne pas dépendre de l’argent et avoir une occupation. Mais un jour, tu te réveilles et tu te dis : ça y est, je dois dépendre de moi-même. Ça fait peur.
MARION-Oui justement !
CATHY-Ecoute… les autres y arrivent, pourquoi pas nous.
MARION-Parce que quand tu te réveilles tu te dis : « pourquoi ça arrive qu’à moi ? »
CATHY-Bref…
MARION-Bon, j’ai encore pleins d’annonces à appeler. On se rejoint plus tard ?
CATHY-Yep, bon courage.

HALL DU LYCEE
Tom était assis sur une des chaises qui peuplaient l’endroit. Il était au bon endroit pour voir le grand défilé de 18 heures.
Il lui restait 2 minutes.

TOM(voix off)-La sensation était bizarre tu vois. Tu te sentais investi d’un message à faire passer. Tu te disais que toi tu avais vécu toutes tes journées ici entre cours et histoires diverses et que tu sais… tu sais… comment ça fonctionne enfin tu me comprends ?

Maylys acquiesce. Elle est dans le couloir à écouter Tom.

TOM(Voix off)-Et quand la sonnerie a retentit, tu sais qui tu allais croiser…

Des couples, des geeks, des clans, des solitaires… Tom ne s’attendait à rien d’autre. Il est 18 heures, dans 30 secondes les premiers élèves vont descendre les marches qui les mèneront vers la sortie. A cette heure, Tom faisait le bilan de sa journée généralement. Il se demandait si avec telle ou telle personne le « dossier » avait avancé.
Le bruit se fit plus fort. Le regard de Tom jonglait entre les deux escaliers de chaque côté du hall. Les premières intonations et les premiers pas inaugurent le défilé.
Comme prévu, des couples, des geeks, des clans, des solitaires constituaient l’essentiel de la troupe. Mais il avait oublié une chose : la gente féminine.
Tom remarquait surtout les jolies, enfin celles qui lui faisaient dire « elles aiment quoi, elles sont comment, pourquoi… » Tom se questionnait souvent sur les « autres ». il voulait savoir ce dont était fait leur vie, comme pour se dire qu’il devrait en être témoin. Il voulait persister dans ce monde. Il ne voulait, il ne veut toujours pas, n’être qu’un passant…
En parcourant les centaines de visages inconnus, Tom en vit un familier. D’ailleurs ce visage avait tourné la tête au bon moment. C’était Gillian, la mademoiselle « texto de rupture ».
Lui osa se lever, elle s’approcher.

TOM-Salut !
GILLIAN-Qu’est-ce que tu fais là ?

Le contact était naturel. Aucun scrupule, aucune gêne.

TOM-Je suis passé voir comment se passait le lycée sans moi.
GILLIAN-Ok… mais t’es pas à la fac ?
TOM-Eh non, c’est ça qui est bien, les semaines sont courtes… mais et toi ?
GILLIAN-Comme tu vois… redoublement. C’est chiant mais on voit de nouvelles têtes.
TOM-A la fac aussi en fait.
GILLIAN-J’imagine. Tu fais quoi ?
TOM-Gestion. Rien de passionnant mais ça occupe… et toi alors ? Enfin je veux parler de… la vie !
GILLIAN-Oui… en vacances demain… la vie ça va…

A ce moment, un jeune homme arrive accompagné de Rachelle, l’ex de Doug.

TOM(voix off)-C’était l’ex d’un copain tu vois. Elle avait cassé de la même manière ou presque... bref la situation était…

Tom souriait malgré le goût amer de la retrouvaille.
Les présentations se firent rapidement.

RACHELLE-Tiens un revenant !

TOM(voix off)-Alors qu’elle savait pertinemment que ce sont elles qui ont coupé les ponts…
MAYLYS(voix off)-Pétasses…
TOM(voix off)-Oui un peu.

TOM(au garçon)-Tu es avec…

Il fait danser son doigt entre les deux filles en pensant surtout à la réponse qui lui convenait.

GARCON-Gillian.

Tom répondit d’un simple ok, il détourna le visage comme pour digérer ce petit affront. Il ne trouvait pas tout de suite la réponse à apporter ou la réaction à avoir.

TOM(voix off)-Bref c’est là que tu dis que t’as pas de chance et puis quand tu voyais le mec… t’es rien à côté.

PARC
Marion fait les cent pas autour d’un arbre, le téléphone à l’oreille, elle termine une conversation.
MARION-Oui je comprends bien… non, non. Merci. Une bonne journée aussi à vous. Au revoir.

Le sourire tombe tout de suite.

MARION-Bonne journée mes couilles ouais….

Enervée, elle compose un numéro, celui de Doug.

MARION-C’est moi… oui… non toujours pareil… mais oui je suis motivée… mais… quoi ? bon ben je te laisse tranquille !

Encore plus énervée… Marion tape du pied. Elle retape un numéro. C’est le répondeur de Tom qui décroche.

MARION-Evidemment…

COULOIR DE LA FAC
Fish marche dans le couloir. Il croise un groupe de filles. Parmi elles, il croit reconnaître Cathy.
Il les interrompt dans les discussions mais quand elle retourne, le visage de Cathy n’a plus lieu d’être. Il s’excuse et reprend sa marche.

AUTRE COULOIR DE FAC
Laura est assise par terre, elle a son sac en bandoulière. Elle semble attendre quelqu’un. Elle lève la tête et voit arriver Mallory.

LAURA-Salut !

Elle l’embrasse.

MALLORY-Comment oses-tu m’inviter ici.
LAURA-Je pouvais pas attendre, j’ai préféré d’amener ici.. j’ai une surprise pour toi.
MALLORY-Ah oui ?
LAURA(sortant de son sac une petite enveloppe)-Alors tu dois deviner…
MALLORY-Pas ce genre de jeu s’il te plait…
LAURA(cachant l’enveloppe derrière son dos)-Han han !
MALLORY(charmeur)-Joue pas à ça petite…

Ils se rapprochent. Mallory passe ses bras derrière elle pour attraper l’enveloppe.

MALLORY-C’est pas si nul comme jeu.

Ils s’embrassent mais Laura parvient à reculer et à préserver le présent.

LAURA-C’est l’enveloppe le cadeau pas mes fesses !
MALLORY-J’ai le choix ?
LAURA-Charmant…
MALLORY-Bon alors enveloppe… un chèque ?
LAURA-Nan.
MALLORY-Un billet ?
LAURA-Aaaah…
MALLORY-D’avion ?
LAURA-Mip !
MALLORY-De jeu ?
LAURA-Non plus.
MALLORY-De concert ?
LAURA(brandissant l’enveloppe)-Oui mais pas qu’un seul.
MALLORY(content)-Hey merci, pour quel groupe ?
LAURA-Alors là je connais pas…
MALLORY(lisant)-Ouais moi non plus…
LAURA-Ah bon ? alors ça te plait pas ?
MALLORY-Bah… j’aurai été moins déçu avec tes fesses… même si je les connais pas non plus.
LAURA(vexée)-Sympa ! Non mais tu pourrais avoir un peu plus de tact.
MALLORY-Désolé.. non mais merci mais…
LAURA(déçue)-Oui bon… on ira le changer, le vendeur m’avait conseillé ça quand même !
MALLORY-Pas entendu parler…
LAURA-Bon…
MALLORY-Allez viens…

Une petite étreinte vient consoler les deux jeunes gens.

LAURA(sentant une main)-On ira le changer pour un AUTRE GROUPE Mallory… pas autre chose… (se séparant) Bon je dois aller en cours.
MALLORY-Je t’attend ?
LAURA-Ouais !
MALLORY-On ira chez moi.
LAURA-Oh tu veux pas plutôt venir chez moi… Y a Will ?
MALLORY-Tu as raison. Je ne sais pas ce qu’il trame d’ailleurs, je me suis réveillé avant lui, c’est… étrange.
LAURA-Je sais pourquoi… enfin je sais pourquoi il va pas bien en ce moment, et c’est pas par rapport à Cathy. En fait je le sais car ça me concerne indirectement. Ça va faire deux ans que j’ai… eu… mon overdose.
MALLORY-Pardon ?
LAURA-Oui, oui je n’ai jamais été toute blanche…
MALLORY-Je le savais mais pas autant !
LAURA-Enfin bref, j’ai tenté quelque chose d’inhabituelle cette soirée-là et… j’ai terminé à l’hosto et… un mauvais hasard a fait que quand je m’en suis sorti… son père, enfin le votre est arrivé, lui…
MALLORY-Je vois…
LAURA-D’ailleurs, j’aurai peut-être pas dû en reparler, je…
MALLORY-Non non mais… pourquoi il m’a rien dit... enfin j’veux dire, j’avais oublié que c’était… l’anniversaire…
LAURA- Ça va ?
MALLORY-Oui oui, tu sais j’ai vécu sans père pendant 20 ans alors bon… mais il aurait pu me le dire merde…
LAURA-Bref, voilà pourquoi je me suis douté de quelque chose… d’ailleurs je m’en veux un peu de t’avoir caché ça car si on résume bien, j’étais au courant et j’aurai du quand même te demander si…
MALLORY-Non, écoute, si j’en parlais pas c’est pour une raison… et puis tu n’as pas à t’embêter avec ça. Clôturons le dossier tu veux ?
LAURA-Oui mais pour Will ?
MALLORY-Je lui en parlerai.
LAURA-J’aime ce Mallory.
MALLORY-A tout à l’heure ?
LAURA-Je tenterai de trouver une nouvelle surprise.
MALLORY-Can’t wait !

LYCEE
Tom était sorti du bâtiment. Il suivait un petit groupe. L’intérêt principal était les deux jeunes filles présentes, suivi de près par le sujet de la discussion : une remise en question.

TOM(voix off)-J’écoutais… et je voulais intervenir et qu’ils me racontent, se confient... en fait, c’était encore une fois frustrant. Je me rendais compte que le monde continuait de tourner sans moi.

Tom, penché vers Jessica et Maylys, est assis sur une chaise d’un amphi.

JESSICA-Oui tu nous a déjà dit tout ça.
MAYLYS-Oui donc en gros, il ne s’est rien passé, c’est ce que je t’ai dit.
TOM-Ouais mais j’ai le droit de vous le dire non ? Pour moi c’est important.
JESSICA-Tu t’excites pour un rien.
TOM-Considérez ça comme un témoignage de ma confiance envers vous… mesdemoiselles !
JESSICA-Ouais mais…
TOM-Vous vous en foutiez ?
JESSICA-Non mais…
TOM-Bref oubliez.
MAYLYS-Thomas…
TOM-Non non après vous allez me refaire encore la morale… j’ai assez donné il y a quelques temps.
MAYLYS-Mais tu t’attendais à quoi ?
TOM-A rien, laissez tomber.
JESSICA-Tu recom…
TOM-Non, je ne recommence pas, je n’ai plus le droit d’émettre un moindre avis alors ? Merde, oubliez-moi tout ce que vous savez sur moi, soyez vierges, et je sais que ça sera dur pour vous, de tout préjugé. Vous avez devant vous un homme, oui un homme qui est revenu d’un voyage initiatique !

Les filles se regardent. Tom sourit.

JESSICA-T’es fou complet !
TOM-Bon je vous ai pas raconté la suite.
JESSICA-Pardon ?
TOM-Bah oui ça s’était juste la première journée.
JESSICA-Mon Dieu…
TOM-Alors je suis pas resté longtemps à Barnett. J’ai glandé pendant plusieurs jours… j’ai même écrit des chansons tiens si ça vous dit… Je suis revenu ici et je me suis fait des vacances tip top. Cinoche, sorties, même bar ! Seul mais bar !

Les filles rigolent.

TOM-Vous moquez pas.
JESSICA-Pourquoi t’as pas appelé !?
TOM-Je voulais me tester et puis personne ne pouvait me faire la moral au final ! Quoique j’aurai pu t’appeler, Maylys.
MAYLYS-Pourquoi moi ?
TOM-Tu me comprends mieux que Jess’ non ?
MAYLYS-Euh je sais pas mais merci.
TOM-T’as toujours été ma préférée.
JESSICA-Alors pourquoi tu t’es pas fait passé pour son copain la dernière fois ?
TOM-Très drôle. Tu t’en souviens encore ? Intéressant, ça t’a marqué donc.
JESSICA-C’était…
TOM-…avant. Maintenant je te le dis, si on ressort, je serai ton copain, point.
JESSICA-Non mais là tu rêves.
TOM-Je préfère être clair maintenant. Maylys, on couche quand ?

CENTRE VILLE
Marion sortait d’une conversation téléphonique. Apparemment, ce fut concluant car elle tient un sourire depuis plusieurs secondes. Elle retéléphone mais à Doug cette fois-ci.

MARION-Oui c’est remoi…. Quoi ? Encore ? Mais attend, d’habitude t’es pas débordé le lundi ! Ouais… bah oui c’est ça tu as un travail toi… Quoi la lettre ? Mais je fais pas exprès bordel ! T’en as marre ? Oui bah moi aussi, je suis stressée au possible alors sois cool. Bien… mais oui ça va, j’ai un rendez-vous demain… Je vais pas le rater ! Mais… j’en ai marre…. Ah bon ? d’accord… tant pis... tu me rappelleras ? Ah… bon… plus tard…

Le sourire s’était vite effacé. Marion raccroche en soupirant. Elle tente d’appeler Cathy, mais le répondeur accompagne un ultime soupir.

CENTRE VILLE
Cathy se retrouve devant un bâtiment impressionnant. Les baies vitrées constituées principalement la face de ce géant. Elle entre et demande timidement à l’accueil son rendez-vous. Elle patiente quelques instants. Cathy prend le temps de regarder autour d’elle. Le cadre a l’air très classieux.
Peu de temps après, une jeune femme d’une trentaine de printemps vient l’accueillir dans une robe en harmonie avec son âge, printanière donc.

VALERIE-Bonjour, Valérie Coste.
CATHY-Bonjour, Catherine Galler.
VALERIE-Vous avez eu mon collègue au téléphone tout à l’heure, c’est ça ?
CATHY-Oui.
VALERIE-Suivez-moi… (elles commencent à remonter le couloir) Alors il ne vous a pas dit que le poste était urgent ?
CATHY-Ah non.
VALERIE-Alors… je vous le dis, le poste est urgent. En fait, pour résumer, nous avons besoin d’une assistante juridique pour certains dossiers. Vous épaulerez nos avocats pour les tâches administratives.
CATHY-D’accord…
VALERIE(s’arrêtant)-Pour tout vous avouer, vous êtes la providence. Les autres candidats refusaient le poste… trop dégradant d’après eux. Et l’été arrivant, les exams approchant, bref tout un trimestre chargé pour eux entre travail et décompression. Et en fait, les premières années en droit sont les moins réticents… mais aussi les moins entreprenants, les jeunes comme vous. Et ils découvrent la fac et prennent le temps… et vous avez bien fait en somme.
CATHY-Merci…

Cathy était un peu perturbée par Valérie. Les phrases n’avaient jamais de fin et il lui était difficile de savoir quand répondre mais surtout quoi répondre.
Mais elle pensait déjà être dans les petits papiers de la jeune femme. Elle avait le sentiment que le temps de l’insouciance était révolu, l’impression qu’elle ne pouvait plus reculer, qu’elle devra dire adieu à la liberté, qu’elle avait un pouvoir : l’envie de dire non.

VALERIE(tenant une porte)-Entrez allez-y…

Cathy pénètre dans le vaste bureau de Valérie. Très fleurie, le milieu juridique prenait un sacré coup de jeune. La justice stricte, le barreau raide de toute excentricité ne sont plus légion. Ici, la détente fait l’illusion de sacerdoce.
Cathy s’assied, remis son revers de chemisier, prend une dernière inspiration et attend que Valérie soit devant elle pour faire un grand sourire motivé.

VALERIE-Alors… (ouvrant un dossier) Catherine Galler, née le 12 décembre 1984… dans la fleur de l’âge. Dites-moi, c’est loin dans mes souvenirs… enfin bon… Catherine, vous avez l’attention de faire quoi dans les 6 mois à venir ?
CATHY-Dans les 6 mois ? Si je suis là aujourd’hui c’est que j’aimerais avoir intégré votre équipe, avoir affaire à des professionnelles. Et comme cela ferait 6 mois que je suis entrée ici, je serai à même de faire un premier bilan de mes compétences.
VALERIE-Oui mais vous avez l’attention de faire quoi ?
CATHY-Oui euh… de travailler pour vous.
VALERIE-C’est la réponse typique. Rares sont ceux qui parlent d’eux vraiment. Pensez à vous, à votre vie, votre euh… temps ?
CATHY(embarrassée)-Mes examens approchants, je pense que je les réussirai. Et j’aurai tout mon temps pour vous.
VALERIE(faisant non de la tête)-Catherine… Vous êtes jeune et c’est en pensant à vous en tant que personne. Vous comprenez ?
CATHY(désemparée)-Oui, oui !

Elle tente un sourire.

VALERIE-Alors avec votre joli sourire, dans les 6 mois à venir. Je vous écoute.
CATHY-Examen réussi donc. Et comme je serai ravie d’avoir réussi je passerai le premier week-end à profiter du repos. Ensuite je pense me faire un petit shopping pour bien commencer l’été. En gros, chaque week-end je profiterai.
VALERIE-De ?
CATHY-De… du week-end !
VALERIE-Bienvenue dans le monde du travail où les week-ends sont *-*-*-*- Mais rassurez-vous, je vous recommande le mi-temps en été.
CATHY-Le plein temps ne me dérange pas.
VALERIE-De vous à moi… le plein temps vous arrange ou ne vous dérange pas ?
CATHY-Ne me dérange pas.
VALERIE-Oui donc cela ne vous arrange pas, enfin vous m’avez compris. Je préfère des employés heureux, et vous avez même pas 20 ans, vous êtes jolie comme tout et la vie devant vous. Ne vous embarrassez pas. Ce métier faisant parti des plus durs. D’accord ?
CATHY-Oui je vois.
VALERIE-Je ne suis pas un bourreau. Je sais que l’été est une période intéressante. Pour les jeunes, avoir un petit boulot et du temps libre. Quoi de mieux ?
CATHY-Oui effectivement.
VALERIE-Le poste est urgent mais la disponibilité est large. Tout ce qu’on vous demanderait c’est d’être là quand il faut.
CATHY-Très bien, ça me convient.
VALERIE-Je résume. Il faut être là si besoin est. Mi-temps.
CATHY-Par rapport aux horaires par contre… à la densité horaire, enfin aux heures quoi…

Cathy est toujours un peu surprise de son frasé mais elle parvient à trouver les bonnes questions.

VALERIE-On vous appelle, vous venez le plus vite possible. Vous restez le temps qu’il faut. Sachant que c’est du mi-temps. 4 heures après vous êtes libre. Pas moins. On ne vous demandera jamais plus que ça. Sachant que vous pouvez dépasser votre mi-temps. Un temps partiel serait peut-être mieux d’ailleurs. Des questions ?
CATHY-Oui en fait j’aimerais un résumé du poste.

Elle termine sa phrase d’un sourire pour tenter d’atténuer son impatience.

VALERIE-En gros, on dit assistante juridique. Amplitude de 3 à 6 heures par jour de travail, disponibilité ouverte. Maximum de 30 heures semaine non extensible.
CATHY-D’accord… ça me convient. C’est vrai que c’est assez flexible.
VALERIE-Flexible mais contraignant en fait… votre temps libre existe. Mais pas tant que ça. Je serai plus large pendant l’été.
CATHY-Et comme ce sont els examens, et que l’été vient juste après… on s’organise comment ?
VALERIE-Ah oui les examens… effectivement. Bon je vous rappellerai de toute façon… voilà !

Cathy ne sait pas quoi dire, l’entretien semble se conclure.
Elle se lève, tendant la main.

VALERIE-Vous pouvez commencer quand ?
CATHY(rangeant sa main)-Oh dès que possible vous savez…
VALERIE-Ne dites pas ça pour me faire plaisir, de vous à moi, il faut réviser pour les examens non ?
CATHY-Oui…
VALERIE-Et on ne peut pas commencer étant dans le bain du jour au lendemain. Vous comprenez ? Profitez de votre journée de demain. On risque d’avoir besoin de vous mercredi.
CATHY-Très bien, merci !
VALERIE-Catherine, on compte sur vous, ne vous inquiétez pas. Tout ira bien.

Elles se quittèrent là, Valérie ne prenant pas la peine de raccompagner Cathy. Elle ressort du bâtiment fière d’avoir réussi. Elle se rue sur le téléphone pour appeler Marion.

Sortant de la fac, Laura entre de suite dans la voiture de Mallory. Arrivés chez elle, Laura demande à Mallory d’attendre dans le couloir.
Une minute plus tard, elle lui crie d’entrer. Mallory s’exécute avec un grand sourire d’espoir. Il trouve devant lui Laura en robe de chambre en soie bleue.

LAURA-Bienvenue au centre de massages Wakefield. Installez-vous s’il vous plait.

Des bougies sont allumées autour du lit.
Mallory prend la peine d’enlever son manteau.

LAURA(tout bas)-C’est pas une super surprise mais les massages ça marche toujours.

Elle fait un clin d’œil.

MALLORY-J’apprécie…

10 minutes plus tard, Laura se nettoyer les mains, Mallory reste allongé sur le lit.

MALLORY-Déjà ?
LAURA-Il ne faut pas abuser des bonnes choses.
MALLORY-Dommage, moi qui voulait abuser de toi.

Elle rit mais ne répond pas à la demande de Mallory.

MALLORY-Approche !
LAURA-Attend, deux secondes…
MALLORY-Soupir !

CENTRE VILLE
Marion et Cathy sont assises sur les marches d’un grand escalier.

MARION-Deux fois… c’est pas son genre.
CATHY-Pour une fois… lui reproche pas.
MARION-C’est pas normal..
CATHY-Attends, tu me disais que la routine t’allait bien, pour une fois que ça bouge, que ça change, tu pourrais accepter ça.
MARION-J’ai besoin de lui parler, il est pas…
CATHY-C’est un garçon, il sait que, quand une fille l’appelle ce n’est pas pour 2 minutes. D’ailleurs… Moi j’ai encore deux minutes à te consacrer, j’ai un petit rendez-vous après…
MARION-Bon lâchez-moi tous !

Cathy embrasse Marion sur la joue.

CATHY-Courage…

 

CENTRE VILLE
Tom était entré dans un bar. Il était 21h32, un jeudi soir. Comme chaque semaine, le jeudi était le jour des soirées étudiantes. Tom prit l’opportunité de voir de nouvelles têtes même si seul, l’aventure avait l’air impossible.
La chaleur humaine et artificielle entourait déjà le jeune homme. Tom avait déjà chaud dans sa chemise légère beige foncée. Il faisait un tour rapide du « paysage » et de ses « autochtones ». Les tables étaient déjà bien prises et le dance-floor était déserté.

TOM(voix off)-Moi danser ? Oh non. Seul en plus… Mais j’ai osé quand même quelque chose… déjà je me suis commandé…

TOM(penché vers le barman)-Une Despe s’il vous plait !

Le serveur était un beau gosse brun avec un t-shirt moulant comme il s’en faisait trop ces temps-ci.
Tom se retournait pour revoir la scène qui était toujours vide. La musique n’y était pour rien. La bouteille passa d’une main à une autre et Tom s’adossa sur un pilier. La première gorgée était longue comme pour signifier que Tom allait bien démarrer.

TOM(voix off)-J’ai laissé passer dix minutes, je savais bien que plus j’attendais, moins j’aurai la motivation de tenter quelque chose… et donc…

Tom avait changé d’endroit, il était désormais près des tables, adossé à une fenêtre. Il avait dans sa ligne de mire une fille qui ne le regardait pas bien entendu. Mais il savait qu’en insistant, il y aurait pu se passer quelque chose. De plus, elle était avec deux copines et le copain de l’une d’elles. Tom jetait un coup d’œil assez souvent vers elle. Son regard était posé mais pas du tout vicieux. Regarder quelqu’un pouvait signifier beaucoup de choses mais la différence était grande entre croiser le regard d’une personne plus d’une fois et garder ses yeux sur quelqu’un par intérêt. Ici la jeune fille n’avait pas encore remarqué… ou alors justement on en était à la phase « croiser le regard plus d’une fois ». C’est alors qu’elle se retrouva seule et c’est alors qu’il tenta l’impensable, l’impossible, l’inacceptable. Il s’approcha d’elle. Il s’assit à côté et engageait la conversation.

TOM-Salut…
FILLE-Salut.

Le premier contact était simple mais efficace. Aucune réticence de sa part.

TOM-Désolé de te déranger mais j’ai vu que tu n’allais pas danser… Je te propose pas de m’accompagner alors.

Un sourire se dessina sur la bouche de la jeune fille.

FILLE-J’ai pas les bonnes chaussures…
TOM-Tu viens souvent ici ? C’est la première que je tente l’aventure ici.
FILLE-Ça m’arrive… enfin pas toute seule, c’est naze.
TOM-Euh oui… mais tu vois je suis venu seul… mais je t’assure je ne suis pas naze.

Un second sourire. Une nouvelle ambiance musicale. Une nouvelle chance.

TOM-Ah j’adore celle-ci, tu veux pas aller danser quand même ?
FILLE-Je préfère pas.
TOM-Ok… tu es d’ici ?
FILLE-Oui… je suis en cours ici.
TOM-Quelle fac ?
FILLE-Lycée.
TOM-Oh… je connais pas la ville donc les lycées… encore moins.
FILLE-T’es à la fac ?

Soudain l’intérêt s’éveillait chez la jeune fille. Les questions allaient enfin dans les deux sens.

TOM-Oui gestion… première année.
FILLE-Ok…

Il attendait une seconde questions mais la balle était remise au centre.

TOM-Et toi ?
FILLE-Economie, rien de bien passionnant.
TOM-Tu veux faire quoi après ?
FILLE-Fac de com’
TOM-Ouais classique.
Silence… relatif.
TOM-Je… m’absente… à tout’
FILLE-Salut.

TOM(voix off)-Quand je suis revenu des toilettes donc, elle était en train de danser. J’ai attendu… c’est là que j’ai croisé un gars de ma promo, j’ai un peu papoté, pas trop car je le supporte pas… et quand elle est revenue dans mon sillage, un individu de type masculin et gênant. Je les regardais…

Deux minutes assez longues pour Tom passèrent. Il trépignait d’impatience. Il se devait de retourner la voir. Il prit enfin son courage à deux mains et alla vers elle.
Il se pencha vers elle sans calculer l’autre garçon.

TOM-Tu viens ?

La fille s’exécute à la grande surprise de Tom qui ne fait rien tressaillir, mais intérieurement…

TOM(voix off)-Je me suis dit : ah putain de bordel !

Tom et la jeune fille se dirigeaient vers la piste quand Tom se pencha de nouveau vers elle dans le feu du mouvement.

TOM-C’est quoi ton prénom ?
EMILIE-Emilie.
TOM-Tu pourras me filer ton numéro après ?
EMILIE-Oui…
TOM(voix off)-Là je savais plus où j’étais… j’ai osé demander ça soudainement, elle aurait pu m’envoyer bouler ! Mais en fait…

La soirée se poursuivait tranquillement quand la fermeture du bar approchait. Les gens commençaient à partir et Tom était dans son coin, Emilie d’un autre. Elle suivait ses copines quand Tom la vit enfin.

TOM(voix off)-Je lui ai redemandé son numéro.. elle avait pas l’air emballé plus que ça en fait.. elle aurait pu très bien se barrer sans le donner… d’ailleurs… quand je l’ai rappelé le lendemain… elle m’a bien fait comprendre qu’il n’y aurait pas de second rendez-vous…

Tom est à la terrasse d’un café. Il discute avec quelqu’un qu’on ne devine pas.

CHAMBRE DE LAURA
Les deux jeunes gens sont assis sur le lit, ils regardent la télé. Mallory laisse traîner un soupir.

LAURA-Bon qu’est-ce qu’il y a ?
MALLORY-Rien, rien…
LAURA-Depuis tout a l’heure tu tires une gueule pas possible. Explique !
MALLORY-Non je préfère pas.
LAURA-Justement… parle !
MALLORY-Je voulais plus de massages.
LAURA(l’embrassant)Oui je sais ça devrait être éternel.
MALLORY-On sort ?
LAURA-Tu t’ennuies ?
MALLORY-Voilà…
LAURA-Oui bougeons…
MALLORY-Tu te fais belle ? Enfin… encore plus belle ?
LAURA-Laisse-moi cinq minutes !

Mallory se frotte les mains et se redresse, attendant Laura. Il sort son portable et compose un numéro rapidement.

MALLORY-Oui c’est moi. Je suis là dans 10 minutes. C’est ok !

Un sourire de satisfaction ponctue l’appel et accompagne le retour de laura, maquillée.

MALLORY-Mmmh, tu veux pas plutôt mettre ta jupe noire ? Ca irait mieux.
LAURA-Tu me donnes des conseils en fringues ?
MALLORY-Non je…
LAURA-Mais tu as raison…

30 secondes plus tard, elle revient.

LAURA-Pas convaincue. Je change.
MALLORY-Non, attend… t’es géniale comme ça.
LAURA-Tu trouves ?
MALLORY-Bien sûr, t’es jolie comme tout.

Elle l’embrasse tendrement.

LAURA-T’es chou ! On décolle !

BAR
Laura et Mallory entrent dans ce bar à ambiance. Il n’y a pas foule mais on peut remarquer facilement les habitués. Mallory prend la main de Laura et se dirige vers une table où sont assis une demi douzaine de personnes. Il confit quelque chose à la jeune fille comme pour signifier qu’il les connaît ou pour la prévenir de quelques énergumènes.

MALLORY-Salut ! Désolé du retard, madame se préparait.
LAURA-Oh l’enflure j’étais prête en deux minutes.
MALLORY-C’est dur de se faire belle.

Elle tapote son épaule.

L’assistance reluque la jeune fille comme pour approuver le bon choix vestimentaire de la jeune fille…

MALLORY-Tu connais la plupart des gens, sauf lui, c’est Richard, elle Emilie et enfin lui Sacha dit Shaker.

Laura fait un signe pour les saluer.
Ils s’assoient. Mallory regarde un de ses copains qui lui rend une expression du genre « tu assures » ou approchant.

 

FAC
Fish sort de sa salle de cours. Il parcourt le couloir et sort immédiatement vers la première porte.
Au loin, il est attiré par une silhouette, celle de Cathy encore une fois. Il secoue sa tête et se frotte les yeux. Il reprend sa marche et revoit une Cathy. Il croit en sa bonne foi et s’approche mais plus il s’approche, moins la fille ressemble à Cathy.
Fish se tient le haut du nez entre ses doigts. Il doit être extrêmement fatigué pour voir la jeune fille partout où il va.

BAR
Mallory finissait son verre. Laura était un peu intimidée et elle restait assise confortablement dans le fond de son fauteuil en cuir. Elle remet sa jupe après avoir posé son verre encore plein. Mallory se lève et tend sa main vers elle. C’est l’heure de danser. La musique est idéal pour quelques déhanchés mais Mallory improvise une piste de danse au milieu des fauteuils. Laura apprécie ce moment de folie et sent que Mallory est heureux en cet instant.
Ses bras entourent le coup du jeune homme. Les siens d’ailleurs caressent les hanches de la jeune fille. Leurs visages reposent l’un sur l’autre. Leurs regards se croisent. Ils tournent lentement. Laura est désormais de dos pour les autres assis. Mallory jette un regard fier vers ses copains. L’un des leurs dresse son pouce pendant que les deux autres simulent qu’ils ne croient pas ce qu’ils voient. Devant eux, la petite Laura et sa jupe noire, des jambes éclairées par le néon orange, et une silhouette entretenue s’offrent à leurs yeux. Laura pivote et se laisse tomber sur son fauteuil. Elle interrompt la petite danse.

LAURA-Si on doit danser c’est de la vraie danse, pas du pseudo-slow.
MALLORY(s’approchant)-Tu es pas bien avec moi ?
LAURA-Si… justement… ce genre de choses on le garde pour nous tu vois…
MALLORY-Intimité ?
LAURA-Voilà.
MALLORY-Tu finis pas ton verre ?
LAURA-J’ai un peu de mal avec cet alcool.

Ni une, ni deux, Mallory prend le verre et le finit d’un trait.

LAURA-Oh doucement !
MALLORY-J’ai vu pire.
LAURA-Je me doute… mais quand même, je veux pas te ramener saoûl.
MALLORY-Ça va, je pourrai conduire.
LAURA-On rentre pas trop tard, j’aimerais un peu réviser.
MALLORY-Oh non, tu vas pas nous embêter avec tes exams…
LAURA-C’est bientôt, je veux réussir… même si la psycho…
MALLORY-Décompresse, t’es là pour ça.

Laura pince ses lèvres et croise ses bras. Elle croise le regard de la seule fille du groupe qui lui parait suspicieuse envers elle. Laura détourne le regard et s’évade dans la décoration intérieure.

Dix minutes plus tard…
Laura est seule à la table, à deux fauteuils d’elle, la jeune fille du group vient de se rasseoir. Elle s’approche de Laura.

FILLE-Alors ça a l’air de marcher entre vous non ?

Son haleine mixant mauvaises herbes et liquide de majorité marquait bien la proximité du dialogue.

LAURA-Oui. Oui.
FILLE-T’es amoureuse ?
LAURA-Je pense oui. Je le connais pas encore très bien mais je reconnais qu’il me surprend.
FILLE-On te fait pas peur ?
LAURA-Du tout. Justement ça me surprend aussi.
FILLE-T’es super bien foutu.
LAURA-Merci.
FILLE-T’as déjà couché comme ça ?
LAURA-Hein ?
FILLE-le coup d’un soir, tu as connu ?
LAURA-Ah non…
FILLE-Mais de toute façon avec Mallory, ça colle nan ?
LAURA-Oui mais je vais pas coucher pour autant…
FILLE-T’es mignonne… je suis sorti avec lui… un soir… (elle rigole)… c’est un gars bien.
LAURA-D’accord…

Elle regarde la jeune fille commencer une cigarette. Laura est un peu mal à l’aise mais la discussion est finie.

SALLE D’ATTENTE D’UNE AGENCE
Marion était assise à attendre un prochain entretien. Elle patiente au téléphone à téléphoner à Doug. Celui-ci répond mais le bruit derrière, mélange de rires et de musiques, gêne un peu l’appel.
MARION-Doug ?
DOUG-Ouais ?
MARION-C’est moi, mais t’es où là ?
DOUG-Ah euh… au boulot mais c’est l’anniversaire d’un collègue c’est pour ça…
MARION-Ok… tout va bien alors ?
DOUG-Ouais ouais et toi ?
MARION-Bah j’attends un entretien là, je d…
DOUG(la coupant)-Désolé, on a besoin de moi, je te rappellerai !

La conversation est coupée, Marion contient sa furie.

CENTRE VILLE
Tom est toujours à la terrasse d’un café. La personne à côté de lui est une jeune fille brune.
TOM-Enfin de compte, je me suis oxygéné la tête, je n’avais plus de doutes, plus rien. Je me suis senti… bien.
CATHY-J’imagine bien. Tant mieux après tout.
TOM-Mais je suis désolé.
CATHY-Pourquoi ?
TOM-Je t’avais dit que dès que quelque chose se passait, je tapais à ta porte…
CATHY-Et ?
TOM-Je t’ai plutôt ennuyé qu’autre chose, non ?
CATHY-Oh non, c’est drôle quand tu racontes tes aventures.
TOM-Il ne s’est pas passé grand-chose justement. Rien de bien méchant.
CATHY-Tu sais, ce n’est pas parce que tu t’es coupé du monde que forcément ta vie a changé.
TOM-Merci pour ton message au fait…
CATHY-C’était une ruse ! Je savais que quand j’aurai reçu l’accusé de réception, tu serais de retour ici et que j’allais te revoir.
TOM-Tu l’as dit à quelqu’un ?
CATHY-J’ai gardé le secret tout ce temps.
TOM-Et vous alors, il s’est passé quoi ?
CATHY-Tu veux vraiment le savoir ?

Tom hésite. Il se demande si une certaine fille blonde, ou brune suivant les périodes, était de l’aventure.

TOM-Fish ?
CATHY-Aucune nouvelle.
TOM-Marion ?
CATHY-Souci d’argent. On tente de se trouver un job.
TOM-Ça avance ?
CATHY-Je suis sur une piste, elle aussi.
TOM-Très bien tout ça. Doug va bien ?
CATHY-Normal.
TOM-Pas de quoi en faire un épisode quoi ?
CATHY-Exact.
TOM-Tu sais Cookie… quelque fois je me demande si… on devrait couper les ponts plus tôt.
CATHY-Avec moi ?
TOM-Pas spécialement mais tu sais, c’est inévitable… Et plus on attend plus on aura l’impression d’avoir gâché… tout ça.
CATHY-Va t’oxygéner une nouvelle fois.
TOM-Je me pose des questions, tu sais bien.
CATHY-Vis ta vie, Thomas…
TOM-Ne pas prendre une route, c’est toujours l’avoir devant soi.
CATHY-Tu aurais du faire des études de philo.
TOM-J’ose pas imaginer. Mais la citation est pas de moi…
Silence.
CATHY-J’attend.
TOM-Quoi ?

Cathy fait un geste d’évidence.

TOM(devinant)-Elle devient quoi ?
CATHY-Elle sort avec quelqu’un.
TOM-Ah…
CATHY-Mallory.
TOM(écarquillant les yeux)-C’est pas possible…
CATHY-Mais il est clean, enfin j’veux dire qu’il est fréquentable.
TOM-D’accord… non mais d’accord, je… tant mieux pour elle… eux… tant que ça marche.
CATHY-C’est la chose la plus marquante.
TOM-Cela suit une certaine logique. Finalement le petit monde se rapproche, non ?
CATHY-Oui on peut voir ça comme ça.
TOM-Bien… tu me tiens au courant pour ton boulot ?
CATHY-Bien sûr.
TOM-Et ne dis pas à Marion que je suis revenu.
CATHY-C’est quoi ces gamineries encore.
TOM-C’est une faveur… fais comme ces deux derniers mois.
CATHY-Si tu veux…
TOM-Merci…
CATHY-Je peux pas te dire non.
TOM-Tu veux coucher avec moi ?
CATHY-Je vais y réfléchir.

Ils sourient de l’absurdité de la question.

TOM-On se prendra un verre ici chaque semaine, faire le bilan de la semaine.
CATHY-D’accord, enfin sauf si avec mon boulot…
TOM-Refuse-le.
CATHY-Tu plaisantes ?
TOM-Non je plaisante, tant mieux pour toi.
CATHY-Tu bosses quand toi ?
TOM-Cet été, j’essaierai… comme tous les étés. Mais j’ai un plan.
CATHY-On se dit à la semaine prochaine.
TOM-On se dit ça.
CATHY-Retour parmi les vivants alors ?
TOM-Te concernant, je préfère le terme… retour dans ma vie.

Depuis toutes ces années, Thomas et Catherine ne se doutaient pas qu’ils allaient renouveler leur relation aussi souvent que cela. Chaque débat, chaque question trouvent simplement leur solution, leur réponse dans la confiance mutuelle. Cathy savait que Tom avait besoin de souffler, de tourner la page, mais qu’il serait toujours le même… heureusement.

APPARTEMENT DE FISH
Le jeune garçon entre, un peu étourdi. Il pose ses clés, et se jette sur son canapé la tête la première. Il ne bouge plus. D’ailleurs son corps glisse doucement vers le plancher. Son bras pend, sa main touche le tapis. Sa tête se décolle doucement et tout son corps glisse jusqu’à toucher terre. Son bras heurtant la table basse, Fish ne semble pas réagir. Il est inconscient, au milieu de son salon.