***

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404

*

 

Devant sa fac, Tom a une mine réjouie, il vient de sortir d'un examen. Il reste devant la porte, respirant au grand air. Quelqu'un vient le percuter en voulant sortir, il se remet plus loin et reprend sa pose. Il pose sa petite pochette rouge sur un banc, s'assoit et lève les yeux pour profiter du soleil radieux en ce mois de mai.

Il prend son téléphone et appelle Cathy.

TOM-Tu devineras jamais où je suis… Comment tu as deviné ? Oui bon, je pensais tomber sur ton répondeur, tu as fini ?

CATHY-Non, en fait j'ai pas pu finir comme je voulais… le boulot..

TOM-Me dis pas que Cathy Galler a loupé un exam ?

CATHY-Tout peut arriver, surtout en ce moment Thomas.

TOM-Hum, quand tu m'appelles Thomas c'est que quelque chose va pas.

CATHY-La fatigue, tu comprendras ça quand tu travailleras.

TOM-Hum, quand tu deviens méprisante c'est que quelque chose va pas.

CATHY-Tom… s'il te plait.

TOM-Ok je te laisse tranquille.

CATHY-Gagné.

TOM-Juste une chose.

CATHY-Oui ?

TOM-Comment tu vas faire sans vacances ?

CATHY-Il est vraiment temps que tu passes la vitesse supérieure Tom… quand tu bosseras tu n'auras pas toutes ces vacances.

TOM-Sauf si je continue mes études encore quelques temps.

CATHY-Tu comptes faire ça ?

TOM-Ça m'occupera.

CATHY-Tu sais que l'on ne t'attendra pas.

TOM-Tu sais que je le sais ?

 

Cathy ne répond pas, elle sait que les choix de Tom sont, sauf réfléchis, conscients.

 

CATHY-Je dois vraiment te laisser là.

TOM-Pas de soucis. Bisous.

 

Il raccroche. Il se rend compte que la vie d'étudiant peut être rapidement terminée quand on met un pas vers la prochaine porte, la prochaine étape : la vie active.

 

TOM-Il est temps de préserver tout ça.

 

 

*SoU 404*

S'en souvenir

-Le passé restera imparfait…-

 

 

Dans une salle blanche et illuminée, un corps avance vers le scanner. Fish est immobile, il appréhende un petit peu ce moment. Le bruit agaçant de la machine stresse encore davantage le jeune homme.

 

Quand Fish ressort de l'établissement, il ne lui reste plus que l'attente. Un seul mot et William Fisher sera le « digne fils de son père » comme il dit au docteur. Avec tout ça, le médecin lui a conseillé beaucoup de repos… en cette période d'examens.

 

 

Poussant la porte avec force, Cathy arrive dans le bureau de sa supérieure. Elle est absente. Soulagée, Cathy peut souffler un peu. Seulement un peu car Melinda apparait enfin.

 

MELINDA-Bonjour Catherine ! Valerie veut te voir, elle a quelque chose pour toi. Me demande pas quoi...

CATHY-Euh bonjour... oui ok...

MELINDA-Tout de suite !

 

Elle n'avait pas levé la voix mais seulement souligné l'évidence de l'urgence.

Cathy prend rapidement son carnet et un stylo et quitte la pièce.

 

 

SALLE D'ATTENTE

Fish sort d'une pièce, il termine de mettre le bouton de sa chemise. Nerveux et tendu, il va s'asseoir sur une chaise. Le couloir est vide, les couleurs des murs et l'odeur aseptisée lui rappellent des souvenirs datés d'il y a deux ans. Ce retour vers le passé le foudroie plus que de raison.

La porte s'ouvre enfin et le médecin tient un petit dossier. Fish se relève et fixe ce dernier. Le médecin ne fait transparaitre aucune émotion.

 

MEDECIN-William, les résultats partiels sont tombés. Je vous préconise de prolonger le repos... d'après ce que je lis, vous n'avez aucune raison de vous inquiéter. Aucune trace de résidus tumorales, aucune anomalie.

FISH-Tout serait psychologique ? Un traumatisme lié au décès de mon père ?

MEDECIN-C'est possible mais... une question... vous n'avez vraiment aucun souci personnel autre que ce douloureux souvenir ?

FISH-Non je ne vois pas...

MEDEIN-Les résultats du scan sont négatifs mais vos résultats d'analyses sont intéressants. Vous avez besoin de vous vider la tête. Vous semblez très nerveux, très fatigué. Ca ne rentre plus dans le cadre de la médecine mais je vous conseille de bien chercher ce qui vous tracasse et de tenter de régler ce problème, de le comprendre ou tout simplement de l'oublier.

FISH-Attendez, je ne suis pas venu vous voir parce que j'ai simplement un soucis personnel ?

MEDECIN-Vous avez eu raison de venir pour ces troubles. Mais je vous assure et vous rassure : tout se passe dans votre tête mais ce n'est rien de grave comme vous le pensez... du moins médicalement. Personnellement là...

 

Fish peine à croire ce diagnostic. Tout ne serait que psychologique. Il remercie le docteur et le quitte dans ce long couloir qu'il parcourt lentement. Il va encore se torturer à trouver ce qui le tourmente.

 

 

 

CENTRE VILLE

Tom se balade sur la rue principale de la ville. Quand il croise des jeunes de son âge, il se demande s'ils stressent pour leurs exams, s'ils en ont fini, et si, comme lui, ils préfèrent penser à autre chose ou presque.

Son téléphone sonne. Il sourit en voyant l'appelant et décroche.

TOM-Salut Ambroise !

MAYLYS-Hein ?

TOM-Le prénom que tu avais donné au mec au bar la dernière fois.

MAYLYS-Ah... oui...

Elle semble gênée, elle n'a même pas rit à la blague.

TOM-Ca va pas ?

MAYLYS-J'ai une mauvaise nouvelle...

 

A ces mots, toutes les catastrophes possibles et imaginables se rejoignent et parsèment les pensées de Tom à une vitesse folle.

 

 

BUREAU DE VALERIE

Cathy est debout au milieu de la pièce et Valérie fait les cent pas autour d'elle. Cathy tente de noter le nécessaire.

VALERIE-Tout ce que je vous demande. Et ensuite, vous viendrez me voir pour qu'on rédige ensemble, mais prenez votre temps. Je ne suis pas tyrannique vous savez, il y a des fois. Où je suis d'une humeur exécrable mais aujourd'hui, tout me semble... Vous trouverez mes notes de l'affaire dans le dossier que je vous ai donné. Et si vous avez des questions.

 

Cathy note toujours, Valérie la regarde.

 

VALERIE-Catherine ?

CATHY-Euh, oui ?

VALERIE-Aucune question ?

CATHY-Aucune, merci ! Tout est noté.

VALERIE-Vous semblez fatiguée, les cours. Ca va ?

CATHY-Oui, les examens se terminent...

VALERIE-Je me souviens quand j'étais jeune. Et pas une copine pour me faire lever mon nez de mes révisions. J'étais très bonne élève.

CATHY-Il vaut mieux pour en arriver là, non ?

VALERIE-Entre le talent et la chance, Catherine, il y a une mince différence. Bon, je vous libère. Merci encore.

 

Cathy remercie sa supérieure. Derrière la porte qu'elle referme, elle se demande justement si ce n'est pas plutôt la chance qui a amené Valérie ici.

 

 

Quelques minutes sont passées et Tom s'est assis au bord du parterre de fleurs qui débouche sur la place. Le genou remonté, calant son bras, la tête posé, il laisse voguer son regard à travers les allées et venues des passants. La mort avait pris accidentellement ce qu'il appelait un ami de substitution. L'expression prenait tout son sens. Après une année à cotoyer des semblables, à franchir ensemble des étapes plus ou moins désirées comme les sorties, les cours, les histoires, les nouvelles têtes devenaient des camarades, des connaissances, des amis... des partenaires de vie. Cette vie que chaque étudiant découvre quand, livré à lui-même, il se construit son monde à lui qui s'entrechoque avec les centaines d'autres existants pour une année, deux voire trois et qui disparaissent le moment venu ou voulu.

Danse abstraite de parfaits inconnus, ballet de matières vivantes, la rue offrait aux yeux de Thomas la parfaite représentation du monde. Si les six degrés étaient confirmés, combien d'âmes seraient meurtries par la disparition d'une autre ?

 

 

AMPHITHEATRE

La majorité des sièges de devant sont délaissés. Les étudiants planchent depuis deux bonnes heures. Les stylos remuent, les feuilles se caressent et les méninges s'activent plus ou moins. Au niveau de l'allée gauche, Laura peine à remplir sa feuille. Elle griffonne sa trousse qui la suit depuis la seconde. Dessus on peut lire "courage c'est que le début" signé Cathy, "épouse-moi" de Tom, des dessins représentant Greg et elle, ou autres petits ours ou fleur de cannabis.

Elle reprend son stylo et écrit quelques lignes.

Un élève quitte sa place pour rendre sa copie. Laura le suit du regard. Ils restent une vingtaine d'étudiants.

Son téléphone se met à vibrer discrètement. Elle le sort délicatement de sa poche et soupire quand elle voit encore l'appel de Mallory.

 

Quand elle parvient enfin à remplir sa feuille, le professeur, assis loin devant les fauteuils consulte sa montre et se lève.

 

PROF-Il vous reste dix minutes !

 

Laura a le sourire satisfait. Sa prose a l'air d'un niveau acceptable. Elle range ses affaires et s'apprête à se lever. La feuille avec le sujet de l'examen tombe de sa table et attérit par terre. Laura se penche pour la ramasser et se relève avec effroi. Elle a oublié qu'il y avait un verso ! Il reste deux questions auxquelles elle n'a pas répondu. Debout, elle peste et se fait remarquer dans la salle. Elle jette un regard assassin et se remet tout de suite au travail.

 

Dix minutes plus tard, Laura sort enfin de la salle, la mine déconfite. Elle s'adosse à un mur et laisse sortir un juron tout en tapant la pierre d'un poing rageur.

 

LAURA-Quelle conne !

 

Son téléphone vient encore une fois la solliciter. Elle le sort toujours avec râge. Mais le vocabulaire grossier qu'elle allait employer laisse place à un étonnement gracieux. C'est un message de Cathy qui l'encourage pour les examens.

Elle sourit et quitte son mur de lamentations.

 

 

COULOIR

Fish frappe à une porte. Lorraine apparait derrière.

LORRAINE-Quelle surprise...

FISH-Tu me laisses entrer ?

 

Lorraine ne le fait pas attendre et lui montre le chemin. Le jeune homme semble nerveux.

 

LORRAINE-Tu n'as pas l'air bien.

FISH-A vrai dire, je ne sais pas ce que je fais là mais... je suis venu directement ici.

LORRAINE-Tu as quelque chose à me dire ?

FISH-C'est possible. En ce moment, ça va pas très fort... tu parais la seule personne à qui je peux parler... c'est dire.

Le petit rire narquois qu'a lâché Fish touche Lorraine. Est-ce une vérité terrifiante ou un aveu ému.

LORRAINE-Tu me lâches deux fois en quelques temps et je prends la peine de t'ouvrir ma porte. Je crois que je m'en sors avec quelques honneurs.

FISH-Je me rends compte qu'on peut très bien changer de vie du jour au lendemain. Je l'ai appris il y a quelques années et depuis j'ai vécu assez pour conclure que rien n'est prévu.

LORRAINE-Tu plaisantes là ? Non parce que même si je n'aurais pas été capable de sortir des phrases de ce genre, tu me pousses à croire que tu vas vivre de manière dissolue ? J'étais pas un exemple pour toi.

FISH-Tu n'as pas à t'inquiéter à ce sujet. Je veux simplement dire que... ces derniers jours, j'ai vu ma vie prise dans un carrefour. Le passé rejouait un air familier. La solution qui m'a été présentée était finalement très simple. je ne sais plus sur qui compter, Mallory étant ce qu'il est, Cathy étant derrière moi...

 

Lorraine s'approche soudainement de lui et l'embrasse. Fish la repousse.

 

FISH-Non, tu te trompes... encore. Je ne souhaite pas ça... je veux une présence... un partage...

LORRAINE(désemparée)-Mais tu joues à quoi bordel ? Je ne suis pas à ta disposition. J'ai ouvert mon coeur la dernière fois... enfin j'ai tenté.

FISH-Lorraine... écoute-moi... on est de belles merdes toutes les deux... alors pourquoi pas s'entraider... pourquoi pas passer du temps, se marrer...

LORRAINE-Oui et dans un soir alcoolisé, tu me rejoues ton air d'amant et on passe du temps horizontalement !

FISH-Franchement, ça embêterait qui ?

LORRAINE(les yeux humides)-J'ai peur que tu me laisses en plan encore une fois.

FISH-Mais en fait tu sembles vraiment avoir changé.

LORRAINE-Je dominais auparavant... c'est moi qui laissait tomber. Désormais, je te le dis encore une fois Will, je veux redevenir la fille niaise et fade d'antan. Ca me ferait du bien.

 

Fish la regarde avec intérêt, elle peut craquer dans quelques secondes. Il la prend dans ses bras et Lorraine ne rechigne pas du tout. Les larmes sont libérées.

 

LORRAINE-Tu as raison.

FISH-Sur quoi ?

LORRAINE-On est de belles merdes toutes les deux.

 

 

 

BUREAU

Cathy finit de retaper le rapport de l'affaire en cours. Elle soupire régulièrement. Ce travail n'est pas pénible mais elle se dit que la vie d'étudiante a vite disparu.

Son portable vient la sortir de cette routine soudaine. Cathy sourit, Laura lui a répondu et lui propose même de la rejoindre. Cathy réfléchit un instant, elle voit le siège vide de Melinda et se dit finalement "pourquoi pas ?".

Elle se dépêche de terminer son travail et s'empresse de ranger son bureau. Elle prend ses affaires et quitte le bureau.

 

 

CENTRE D'INFORMATION DE St AMSON

Il y a toujours autant de monde à ce séminaire. Doug est avec quelques collègues. Il s'ennuie un peu à vrai dire. Soudain, un cri strident surprend la plupart des convives. Doug lève les yeux et voit arriver devant lui Elina. Le trois pièces strict, le talon fragile, elle s'avance le bras en avant.

 

ELINA-Doug !

DOUG-Abigaël, quelle arrivée !

ELINA-Avec tous ces gens, j'avais peur de te perdre de vue. Aaah, jai hâte que ça commence !

DOUG-Le discours ?

ELINA-J'adore les gens qui savent parler !

DOUG-Mais on parle du responsable départemental.

ELINA-Il est trop marrant ce type.

 

Doug a déjà cessé de comprendre la logique de cette fille.

 

DOUG-Tu sais... ce qu'il va dire on l'a dans la plaquette promo...

ELINA-Ouais elle est jolie.

DOUG-Non mais ce que je veux dire c'est que c'est dispensable.

ELINA-Mais... j'ai pas tout compris alors... et j'adore...

DOUG-Les gens qui savent parler oui... d'ailleurs toi aussi non ?

 

Il sourit, Elina le regarde et sourit à son tour.

 

ELINA-Il est là !

DOUG(regardant)-Je ne vois que David...

ELINA-Oh il se ressemble.

DOUG-Pas vraiment non. Tu es sûre que ça va ?

ELINA-Oui, je vois pas très bien d'ici.

DOUG-Tu veux vraiment l'écouter ?

ELINA-Oui, pourquoi ?

DOUG-Oh je pensais qu'on aurait pu discuter ailleurs...

ELINA-Après le discours alors.

DOUG-Ok... ok.

 

 

IMMEUBLE

Tom est assis sur les marches de l'entrée. Il se lève quand Marion approche.

 

TOM-C'était si difficile que ça ?

MARION-De prévenir de mon retard ?

TOM-Non, l'examen ?

MARION-J'ai du tout refaire, j'étais parti dans un hors sujet total... enfin je suis sortie mais avec toujours autant de doutes...

TOM-Ah, les doutes... j'en ai jamais eu... pour les cours je veux dire... pour la vie par contre...

MARION-Alors monsieur Whitman, racontez-moi tout.

TOM-Déjà pour commencer... laisse-moi te prendre dans mes bras.

 

Cet élan soudain surprend Marion qui se laisse finalement faire. L'étreinte est brève.

 

TOM-On voit toujours ça dans les séries, je vois pas pourquoi on ne ferait pas pareil. Ca fait tellement de bien.

MARION-C'est vrai...

TOM-Ca me fait plaisir de te voir.

MARION-Mais moi aussi, attends, tu étais où tout ce temps ?

TOM-Chez moi, je profitais des vacances et puis les cours ici me... laisse indifférent donc j'ai prolongé mon congé...

MARION-Tu sais que ce sont les exams de fin d'année là non ?

TOM-Oh mais ne t'en fais pas... Comme si on apprenait quelque chose en fac de nos jours... Mais toi alors tu deviens quoi ?

MARION-Plus grand-chose… tu vois là Doug est encore à son séminaire, je suis venue en douce après la fac. Je ne le vois plus vraiment, ma mère ne veut plus entendre parler de moi, j'ai des soucis d'argent et j'ai peut-être une piste pour un boulot…

TOM-Désolé pour ta mère.

MARION-Je survis. J'ai 19 ans, je peux me débrouiller.

TOM-Tu es le parfait résumé de l'étudiant d'aujourd'hui.

MARION-Et je sens que je vais l'être de plus en plus si ça continue... si je n'ai pas de boulot rapidement, mon proprio me fout à la rue.

TOM-Et Doug ?

MARION-Quoi Doug ?

TOM-Il vit pas avec toi ? Il a pas un boulot ?

MARION-Il m'a jamais demandé et son boulot est pas à côté... il préfère garder son argent. Je le vois mal payer pour un logement qu'il fréquente une fois par semaine.

TOM-Tu ne crois pas que la situation est si critique qu'il serait temps de... d'avancer ?

MARION-Toi qui me demande d'avancer, c'est le comble.

TOM-Mais si tu es à la rue, Doug ne va pas te laisser comme ça.

MARION-Je suis dans une impasse. Si j'ai un boulot, je reste à St Amson. Si je n'ai rien, j'arrête mes études, je retourne à Barnett. Je verrais Doug... on se prendrait un appartement là-bas. Je chercherais un boulot aussi...

TOM-Dis-toi que ce n'est pas lui qui te suivra... même si St Amson nous tend les bras, j'ai bien l'impression que tôt ou tard, on doit tous retourner à Barnett.

MARION-Comme un retour à la case départ.

TOM-Et sans toucher 20.000.

MARION-J'en aurais bien besoin.

 

 

CAFE

Cathy est à une table près de la vitre. Elle aperçoit Laura qui attend sur le trottoir. Elle frappe au carreau, Laura se retourne, sourit et entre.

Le premier contact est hésitant, Cathy hésite à se lever, à faire la bise. Au final, Laura la prend dans ses bras. Surprise un instant, Cathy savoure ce moment opportun.

LAURA-Merci pour l'invitation. J'ai besoin de souffler.

CATHY-Moi aussi...

LAURA-Alors... tu deviens quoi ?

CATHY-Pas grand chose depuis deux jours.

LAURA-Je veux dire... depuis tout ce temps.

CATHY-Ce temps m'a paru bien long...

Leur regard s'intensifie. La complicité passée fait une timide apparition. La volonté de retrouver un temps perdu est perceptible.

LAURA-Comment va Will ?

CATHY-Il doit m'appeler aujourd'hui.

Silence.

CATHY-Comment va Mallory ?

LAURA-Très bonne question mais la réponse, je ne l'ai pas.

CATHY-C'est fini ?

LAURA-Avec plus ou moins de regret oui.

CATHY-Tu avais l'air... heureuse pourtant.

LAURA-J'étais même amoureuse... mais encore une fois... j'ai... j'étais trop allumeuse pour lui. Ca le titillait et...

CATHY-Mais dis-moi que les hommes ne sont pas tous pareils ?

Elles rient.

LAURA-Will n'était pas comme ça, je le sais. Non ?

CATHY-Non, non mais...je parle de toi. Je les comprends, tu parais si... non tu ne parais pas, tu es attirante.

LAURA-Pas de plan à la Claire Fisher, tu veux ? Je ferai le grand saut avec un homme, et sérieux cette fois.

CATHY-Tu es toujours... ?

LAURA(gênée)-Je le vis bien, tu sais.

CATHY-Qui sera l'heureux élu qui va cueillir ta fleur, Laura Wakefield ?

LAURA-Eh !

Elle tapote l'épaule de Cathy. Elles rient encore de bon coeur

CATHY-Et ses études de psycho alors ? Tu sembles épanouie.

LAURA-Tu te trompes. Tout ce que j'ai réussi c'est à comprendre que ce monde est finalement plus compliqué qu'il n'y parait. Et que nous, êtres humains, sommes responsables de ce foutu merdier.

CATHY-Je vais t'avouer quelque chose... puisque ça te concerne... tu m'as manqué.

Un sourire vient timidement se dessiner chez Laura.

LAURA-Si je suis là maintenant, ce n'est pas parce que je n'avais rien à faire mais parce que c'était toi qui me l'a demandé. Cathy, cette année a été étrange. A chaque discussion que j'avais avec quelqu'un, j'attendais la connerie de Tom ou l'avis de Cathy... Au final, j'ai...

CATHY-Tu avais trouvé l'amour.

LAURA-Est-ce que c'était ça ? Je ne sais pas, c'était peut-être un sentiment nouveau ou rare... le sentiment d'être... bien dans sa peau... et bien avec quelqu'un. Et te savoir après coups si proche de moi et si loin en même temps... Je n'avais qu'à voir Will pour te voir...

CATHY-Regarde-nous maintenant. Seules, célibataires, jolies, dans un café branché d'une ville trop grande pour nous. Il nous manque qu'une Carrie Bradshaw et une Samantha pour nous guider vers la bonne voie.

LAURA-Je serai Charlotte ?

CATHY-Bien sûr...

LAURA-Samantha... ce prénom m'est familier.

CATHY-Quand on y repense...

LAURA-Ca m'a l'air si lointain. Ne me dis pas qu'on a grandi autant en deux ans ?

CATHY-Grandi oui, vieilli non.

LAURA-Mais je ne regrette rien. j'ai beau avoir fait des erreurs, je pense que ça m'a mené dans cet état d'esprit aujourd'hui même.

CATHY-Rien du tout ?

LAURA-Mon séjour à l'hôpital m'avait déjà ouvert les yeux mais pas du bon côté. Mais ça fait parti de la vie. Après tout, il faut côtoyer le mal pour savoir ce qui est bien.

CATHY-Ce qui me fait peur c'est que j'ai l'impression de n'avoir jamais fait d'erreurs.

LAURA-C'est vrai... tu n'as rien à te reprocher.

CATHY-Oh si, des reproches, on peut en faire... comme par exemple... ce foutu droit qui va encore durer des années.

LAURA-Si c'est ça ton avenir.

CATHY-C'est ça mon avenir... et puis avec le boulot que j'ai actuellement, ça me convient parfaitement. Il faut pas sortir diplômé pou faire ce que je fais.

LAURA-Mais oui ce travail, alors ?

CATHY-Une chef extraterrestre qui ne finit ou ne commence jamais ses phrases, une responsable trentenaire qui en a quinze... non je suis bien tombé.

LAURA-Il faudrait peut-être que je me mette au travail... la psycho me mènera à rien.

CATHY-Fais attention, on se rend compte que l'on est plus étudiant dès que l'on a foulé un lieu de travail. On pense à tous ceux à l'extérieur qui ne se soucie de rien et qui...

Cathy ne finit pas sa phrase, elle regarde à travers la vitre. Laura la regarde puis tourne son regard vers la même direction.

LAURA-Ca te dit de... passer une partie de l'été avec moi ?

Laura n'a pas changé son point de mire, Cathy, elle, s'est tournée vers Laura.

CATHY-Je travaillerai sûrement et...

LAURA(la coupant et la regardant)-Tu viens quand tu veux, Cathy. Je dis juste que je t'attendrai.

CATHY-Mais enfin...

LAURA-J'ai envie de vraies vacances. Je peux sûrement avoir le chalet de mon oncle. Il y aura de la place.

CATHY-Ce sera avec plaisir, Laura.

LAURA-Qu'est-ce que jai de plus que les autres finalement... à part toi ?

 

APPARTEMENT DE LORRAINE

Le lit est défait, la jambe de Fish pend au delà des draps. Il dort profondément. Lorraine est assise dans le canapé, devant la télé. Elle regarde sans intérêt l'écran et regarde quelques fois son hôte.

 

CENTRE D'INFORMATION DE St AMSON

Elina buvait les paroles de son orateur. Doug la regardait depuis dix bonnes minutes en intermittence avec les quelques mots intéressants du discours. Elina simule à merveille l'intérêt. Quand elle regarde enfin Doug, c'est pour le saluer avec fantaisie.

Le buffet dressé, le discours terminé, les centaines de personnes s'échangent les dernières observations et informations. Doug, hésitant entre deux amuse-gueules se glisse petit à petit vers Elina qui est au ponch.

DOUG-Alors verdict ?

ELINA-Oh très bon.

DOUG-Le discours !

ELINA-Oh, très long. Mais intéressant. Non ?

DOUG-Oui, assez... Dis-moi Abigaël... je vais peut-être quitter le séminaire plus tôt que prévu alors si tu veux comment la formation directement au bureau...

ELINA-Au bureau ? Euh... à Blanet ? Barn... euh...

DOUG-Oui... à Barnett.

ELINA-C'était pas prévu, je... je dois encore aller voir quelque chose... quelqu'un. Voilà, j'ai un rendez-vous avec le responsable des achats coopératifs... régional.

DOUG-Je ne connais pas ce...

ELINA-Il est régional, c'est pour ça... Merci pour l'invitation en tout cas.

Elle quitte la table. Elle souffle de soulagement. Elle prend son téléphone.

 

Marion et Tom ne se disaient plus rien. Elle scrute son téléphone quand celui-ci se met à sonner. Elle se précipite dessus.

MARION-Oui allô ?

ELINA-C'est Eli.

MARION-Ah...

ELINA-Tu préférais qui ?

MARION-Non rien je t'écoute.

ELINA-J'avais raison, il mord à l'hameçon.

MARION-Quoi ?

ELINA-Enfin, il tente de séduire, ça se voit.

MARION-Rien d'alarmant ?

ELINA-Rien. Je vais tenter de le faire parler de toi. On verra.

MARION-Il a pas encore parlé de moi ?

ELINA-Marion... c'est un mec, il ne parlera jamais de sa copine.

MARION-Je... je te fais confiance. Mais pas de choses salace compris ?

ELINA-Si je montrais un bout de chair, je crois que toute la salle serait en rûte, c'est incroyable comme il y a une atmosphère de partouze à venir.. tous ces culs serrés qui demandent qu'à...

MARION-Eli...

ELINA-Je te tiens au courant. Je vais profiter encore de la bouffe...

 

Tom regarde Marion bizarrement.

 

TOM-Je te suis avec beaucoup de mal.

MARION-J'ai contacté une amie pour suivre Doug à son travail.

TOM-Wouh...

MARION-Je veux savoir s'il tient vraiment à moi.

TOM-Je la connais ?

MARION-Non mais... non vaut mieux pas.

Silence.

TOM-En parlant de retour à la case départ tout à l'heure, j'ai... quelque chose à te demander. Comme je doute qu'au final, tout le monde se retrouvera dans la même rue, que nos enfants joueront tous ensembles et que nous soyons tous employés de Doug Corporation, j'ai eu une petite idée qui pourrait... préserver la pseudo-relation que l'on a tous.

MARION-Pseudo ?

TOM-Comme les paroles passent et les écrits restent... je pensais qu'il serait intéressant voir intelligent de faire une... boîte à souvenirs.

MARION-Pardon ?

TOM-Une sorte de capsule où chacun d'entre nous laisserait en héritage un morceau de leur présent actuel...

MARION-D'où tu sors cette idée encore ?

TOM-Je veux donner un peu de piment à nos souvenirs. Et puis pourquoi pas ? Après tout, on va pas chercher d'explication à tout.

MARION-C'est vrai... mais toi et tes idées... et tu veux que je mette quoi dedans ?

TOM-Ah ça, c'est le but du jeu. Chacun met quelque chose dont il a le secret. Quand on l'ouvrira, ce sera la big surprise.

MARION-J'ai du mal avec ça... on n'a plus 12 ans Tom, merde !

TOM-Pourquoi toujours figer les choses à un âge précis ! Si j'ai envie de préserver un bout de mon passé !

MARION-Justement c'est le passé ! Il faut avancer ! Grandis !

TOM-Arrêtez avec ça... on grandit tous mais certains aiment regarder le chemin parcouru ! Ecoute, si je refuse d'avancer c'est parce que j'ai peur de perdre... d'oublier...

MARION-Quand sauras-tu qu'il faut cesser de regretter ou d'avoir des remords... surtout pour cette période qui n'est pas la meilleure ! Tu penses qu'il reste beaucoup de choses à vivre ? Le premier apparte, le premier bébé...

TOM-Marion, j'ai appris aujourd'hui qu'un mec de ma promo était mort ce week-end...

MARION-Oh...

TOM-Non pas que c'était un très grand pote mais justement, j'ai l'impression que je ne l'ai pas perdu. Le peu que je le voyais pour moi c'était pas grand chose mais c'était suffisant. Et je me suis toujours dit que j'aurai toujours une occasion de le revoir. Et là on se dit deux choses... putain que la mort est si proche de nous parfois... et que finalement le peu que je le voyais, c'était déjà une petite mort.

MARION-Tu te mets dans des états pareils pour...

TOM-Laisse-moi finir. Quand tu sais que quelqu'un est loin de toi, que tu n'as pas de nouvelles de lui, tu as le sentiment vrai qu'il est et qu'il sera toujours là si l'occasion se présente... c'est ce sentiment qui disparait quand tu sais que la mort l'a emporté. Tu savais très bien que jamais tu ne le reverras, mais tu avais la certitude qu'il était là quelque part...

MARION-C'est... assez vrai. C'est terriblement glauque quand même.

TOM-Et je me demande comment je vais vivre le vrai départ de quelqu'un.

MARION-Tu as l'art de plomber le moral toi...

TOM-Il vaut mieux y penser maintenant qu'être sous le choc...

MARION-Je veux pas y penser jour et nuit ! On a d'autres choses en tête !

TOM-Il faut penser à tout...

MARION-Tu as pas un autre sujet ?

TOM-J'ai passé un bon moment avec Laura la dernière fois...

MARION-Je te l'avais dit.

TOM-Mais... c'était pas comme je voulais...

MARION-On peut pas tout avoir.

TOM-On a été complice un instant et plus rien. Je crois vraiment que c'est par intermittence.

MARION-C'est Laura.

TOM-Mais des news de Will ?

MARION-A priori, il est sorti. Rien d'autres.

TOM-Il doit en rire maintenant...

MARION-La pauvre quand même.

TOM-Cathy ?

MARION-Non la fille qu'il a...

TOM-Quelle fille ? On m'a rien raconté moi.

MARION-Oups... ça devait être secret alors...

TOM-Cathy t'a raconté ?

MARION-Will a bu et il a un peu forcé la main d'une fille.

TOM-Violé ?

MARION-Non, non, j'en sais pas plus mais d'après Cathy, rien de très important.

TOM-On en apprend de belles...

 

Marion est dérangée par son téléphone. Elle fait signe à Tom qu'elle en a pour deux minutes. Elle s'écarte de lui. La discussion dure moins d'une minute.

 

TOM-Alors ?

MARION-Alors c'est mort...

TOM-Merde...

MARION-Je suis dedans jusqu'au cou.

TOM-Doug ne peut pas te laisser comme ça.

MARION-C'est mort, Tom...

TOM-On en apprend de belles.

 

RUE

Le bâtiment se tient en face d'elles. Laura est impressionnée. Cathy en sourit.

LAURA-Et tout ça est à toi ? Enfin à ta patronne ?

CATHY-Ouhla non, on a un tout petit bureau... dans tout le premier étage.

LAURA-Même balayeuse au Hilton je prends.

CATHY-Allez, viens.

LAURA-On peut ?

CATHY-Elle n'est jamais là...

 

Cinq minutes plus tard, Laura visite le bureau de Melinda.

 

CATHY-On a moins de dix minutes avant qu'elle découvre le pot aux roses.

LAURA-Comment tu as pu la convaincre que j'étais une cliente ?

CATHY-Elle ne le sera plus dans dix minutes.

LAURA-C'est un peu austère, non ?

 

La porte s'ouvre soudainement sur Melinda.

 

CATHY-Oh... Melinda, bonjour.

MELINDA-Bonjour Catherine...

CATHY-C'est euh... une nouvelle cliente.. enfin... elle est venue pour le dossier euh... je n'ai plus le nom.

MELINDA-Moore ?

CATHY-Oui le dossier de l'affaire Moore, voilà.

MELINDA-Enchantée, Melinda Coste, je m'occupe de cette affaire.

LAURA-Euh, moi de même...

MELINDA-Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?

CATHY-Tout est rentré dans l'ordre, il manquait...

 

Elle prend une feuille au hasard dans le dit dossier Moore.

 

CATHY-Un document ! Ce document !

MELINDA-Très bien ! Merci beaucoup Catherine !

LAURA-Oui merci à vous...

MELINDA-Je vais vous raccompagner.

CATHY-Je vais le faire, sans problème.

MELINDA-Très bien. Tout va s'arranger, Mademoiselle, ne vous inquiétez pas. C'est votre père c'est ça ?

LAURA-Oui... oh c'est triste...

CATHY(ouvrant la porte)-Je vous en prie...

 

Melinda est un pu dubitative mais Cathy et Laura quittent la pièce.

 

CATHY-C'est triste ? Cest une affaire de chaussures et de voisine, je t'expliquerai... Bon sortons de là avant que...

 

En passant devant l'hôtesse d'accueil qui tente de les retenir, les deux filles parviennent à sortir. Laura et Cathy finissent par éclater de rire.

 

LAURA-"Mademoiselle Moore, ne vous inquiétez pas !"

CATHY-Je sais pas du tout comment on s'en est sorties...

LAURA-Ca fait un bail que j'ai pas autant flippé, ni ri.

CATHY-Idem... Et ça a fallu que ce soit avec toi...

 

Les rires s'effacent.

 

LAURA-Je vais te laisser bosser. On s'appelle ce soir ?
CATHY-On s'appelle ce soir.

 

Elles se quittent sur ce trottoir. Cathy passe la porte du bâtiment et Laura traverse la rue.

Dans leur tête, elles pensent chacune aux moments perdus puis retrouvés. Il n'y a eu aucune rancune dans leurs mots, aucune amertume dans leurs phrases.

 

 

 

PARC

Marion et Tom marchent mélancoliquement. Tom ne parvenait pas à trouver les mots pour Marion qui ne disait rien depuis plusieurs minutes.

TOM-Je vais... je vais te laisser.

MARION-D'accord.

TOM-Sache quand même que... si tu as besoin de quoi que ce soit, je veux dire... humainement... je suis là.

MARION-Je sais... Merci.

TOM-A bientôt... et en pleine forme...

 

Il la laisse là aux abords de la rue. Tom n'a jamais été à l'aise pour soutenir les autres, ni pour les écouter pleinement. Leurs problèmes l'intéressent, mais il a toujours eu l'impression que le contraire n'existe pas.

 

 

CENTRE D'INFORMATION DE St AMSON

Elina pousse la porte du centre, loin du brouhaha et du jargon incompréhensible. Elle s'assied sur une marche et sort son paquet de cigarettes. Elle en allume une et soupire. Doug apparait derrière. Il s'assied discrètement à côté d'elle. Elle sursaute en le voyant.

DOUG-Désolé.

ELINA-Comment tu as fait pour me retrouver ?

DOUG-Oh je te cherchais pas, je voulais prendre l'air. Mais finalement...

 

Il désigne la cigarette fumante.

 

ELINA-Excuse-moi... j'essaye d'arrêter.

DOUG-Il fait bon.

ELINA-Oui...

DOUG-Tu es à quel hôtel ?

ELINA-Lequel ? je.. . j'habite chez une copine...

DOUG-Ok...

ELINA-Et toi ?

DOUG-La boîte a réservé des chambres pas loin...

ELINA-Tu vis à Barnett alors ?

DOUG-J'esssaye... oui j'y habite... j'ai... enfin c'est compliqué.

ELINA-Quoi ? Tu sais si tu habites chez tes parents c'est pas honteux. Tu as quel âge... 19 ?

DOUG(gêné)-Oui...

ELINA-Sois pas gêné, ne crois pas que je te prenais pour plus vieux. J'ai le même âge. Sinon je ne serai pas aussi à l'aise avec un inconnu.

DOUG-C'est gentil.

ELINA-C'est normal.

DOUG-Mais alors, d'où vient Abigaël ? Qui est-elle ?

ELINA-Abigaël est... était une étudiante en communication qui a honteusement raté son examen final mais qui grâce à un piston de beau papa s'en est sorti avec une formation informatique et gestion et me voilà devant toi.

DOUG-Mariée ?

ELINA-Non, parents divorcés. Oh une sale histoire, laisse tomber.

DOUG-Tu habites chez une copine pour le moment ou...

ELINA-Ouais...

DOUG-Et après ?

ELINA-On verra...

 

Devant le peu de discussion soudaine, Doug préfère s'abstenir de poser des questions.

 

DOUG-Je... je vais aller rejoindre mes collègues. Tu ne t'es toujorus pas présentée au fait ?

ELINA-J'ai vu dans quel état ils étaient, on verra ça sur place.

DOUG-D'accord...

ELINA-On se donne rendez-vous dès demain alors ? Je vais pas tarder.

DOUG-Oui... 9 heures.Tu demanderas Carole, ok ?

ELINA-A demain...

 

Doug rentre dans le centre. Elina prend une dernière bouffée.

 

 

APPARTEMENT DE LORRAINE

Will entre dans la cuisine et se sert du café. Il voit Lorraine dans le canapé.

 

FISH-Tu es pensive.

LORRAINE-Ah bon ?

FISH-Tu es là, tu ne dis rien. D'ailleurs tu n'as rien dit depuis... quelle heure il est ?

LORRAINE-…

FISH-Quoi ? On a pas baisé c'est pour ça ?

LORRAINE-Oh mais tu peux pas rester simple pendant plus d'une journée ? C'est trop te demander.

FISH-J'ai déjà l'impression que l'on est un vieux couple...

LORRAINE(se levant)-Putain la ferme ! La ferme !

FISH-Oh, qu'est-ce qui te prend ?

LORRAINE(se calmant)-Je... me rends compte qu'on ne peut pas changer du jour au lendemain... et surtout.. que le passé sera toujours là... que cette foutu étiquette est collé à ce corps maudit.

 

Fish la regarde.

 

CATHY-Epouse-moi Will...

 

Fish se secoue la tête. Lorraine s'est transformé en Cathy une fraction de seconde.

 

LORRAINE-Tu m'écoutes ?

FISH-Oui, oui.... Tu as raison... Il y a toujours une partie de nous qui...

LORRAINE-C'est tout ce que tu as à dire ? Mais bordel...

CATHY-Je suis à toi Will...

FISH-Lorraine, attends... attends deux secondes...

 

Les yeux fermés, la tête penchée, il tente de se remettre les idées en place.

 

LORRAINE-Ca va Will ?

 

Elle s'approche de lui. Il la repousse.

 

LORRAINE-Tu deviens fou ma parole ?

FISH-Non excuse-moi, j'ai...

CATHY-Je suis là.

FISH-Putain lâche-moi...

LORRAINE-Pardon ?

FISH-C'est pas toi c'est...

LORRAINE-Continue, je veux savoir... tu as beau me dire qu'en ce moment ça n'allait pas, tu m'as toujorus pas dit pour quelles raisons ? Ce serait peut-être un bon départ, non ?

FISH-Tu as raison...

 

Lorraine vient s'asseoir dans le fauteuil tandis que Fish s'approche pour tout lui raconter.

 

 

Cathy est dans le couloir menant à sa chambre. Elle sort ses clés, pousse la porte et remarque une petite enveloppe à terre. Elle la ramasse et l'ouvre. Une photo s'y trouve, la représentant en train de danser avec Marc. Elle la retourne et un petit mot est inscrit : "Il Marc un point, non ?"

Cathy ne résiste pas à sourire. Même anonyme, elle sait de qui vient cette surprise. Elle pense à cette soirée, à cette danse, à son invité, à cette photo, à ce mot...

Elle saute sur son lit, parvient à prendre son sac et en sort son téléphone. Elle compose un numéro.

CATHY-Salut, je te dérange pas ?

TOM-Si, j'étais en train de sauver des gens d'un immeuble en flamme.

CATHY-T'as bientôt fini ?

TOM-.... c'est bon. je t'écoute.

CATHY-Je l'affiche sur le frigo ou sur mon mûr ?

TOM-Je sais pas, c'est Marc quand même...

CATHY-Oui, t'as raison... quoi de neuf ?

TOM-J'ai appris qu'un gars de ma promo est mort...

CATHY-Oh merde... tu le connaissais ?

TOM-On va dire que non... et toi ?

CATHY-Je... j'ai revu Laura.

TOM-La roue tourne.

CATHY-Le monde aussi.

TOM-On peut dire ça...

 

 

CHAMBRE DE MARION

Marion est couchée sur son lit, tête dans l'oreiller. Son téléphone la sort de sa léthargie.

MARION-Oui...

ELINA-C'est Eli...

MARION-Salut...

ELINA-Ca va pas ?

MARION-Arrête tout.

ELINA-Je répète, ça va pas ?

MARION-J'ai pas eu le job...

ELINA-Ah merde...

MARION-Je te passe les détails mais... je ne savais pas que j'avais tant de choses à emmener d'ici.

ELINA-Quoi ? Tu fais tes valises ?

MARION-Mais bien entendu, tu veux que j'aille où ?

ELINA-Tu vas venir chez moi.

MARION-Dis pas de conneries...

ELINA-On va régler ça, je suis là pour toi.

MARION-Raconte...

ELINA-Non je vais pas...

MARION-Si, si... c'est un connard c'est ça ? Pas un mot sur moi ?

ELINA-En fait, il...

 

Elina pense alors à son amie qui vient peut-être de dire adieu à ses études, à cette vie à St Amson, à ce qui lui reste pour tenir.

 

ELINA-Marion, Doug est fou de toi. j'ai eu beau tenter des choses impensables, je suis passé pour une idiote.

 

A ce moment, une voiture apparait non loin d'Elina. Elle reconnait Doug qui semble l'attendre au coin de la rue.

 

MARION-Tu es sûre ?

ELINA(tardant à répondre)-Ce mec est amoureux. il tient à toi. Il sait qu'il a une chance folle...

MARION-Oui... merci.

ELINA-Non c'est normal...

MARION-Tu sais où il est là ?

ELINA-Euh non, aucune idée, je suis partie en avance.

MARION-D'accord...

ELINA-Prends soin de toi...

 

Elle raccroche. Elle avance vers la voiture de Doug. La vitre descend. Elina se penche vers lui, laissant deviner une certaine intimité.

 

ELINA-Tu ne sais plus rentrer chez toi ?

DOUG-On est nourri et blanchi dans un hôtel alors je voulais en profiter jusqu'au bout.

ELINA-Tu te répètes.

DOUG-Je sais pas trop quoi dire en fait.

ELINA-Alors invite-moi à prendre un verre.

DOUG-D'accord... je bois pas d'alcool Abigaël.

ELINA-Appelle-moi, Abi...

 

Elle fait le tour de la voiture et s'installe sur le siège passager. La voiture file sur la petite route vers une destination encore inconnue.

 

 

Dans sa petite chambre, Tom sort de son placard une petite boîte qui pourrait bien servir pour sa petite idée...

Marion, elle, fait déjà le tri dans ses affaires, elle retrouve quelques photos, lettres ou petits mots de Doug.

Le balai de lumière venu de la télévision anime la petite pièce où Lorraine et Fish se trouvent. Affalés sur le canapé, ils s'évitent du regard par pudeur ou par gêne. Lorraine décide finalement de se rapprocher de lui et se love contre lui.

Son téléphone allumée, Laura supprime un à un les petits mots que Mallory et elle s'envoyaient.

Cathy punaise la photo sur le mur. Elle entre dans la salle de bains. La photo se détache et tombe par terre.

Que ce soit sur ce mur, dans les pensées ou rangés quelques part, les souvenirs sont toujours présents, prêts à ressurgir. Qu'ils soient préservés ou oubliés, ils ne signifient qu'une chose, le passé a existé.